jeudi 21 juillet 2011

Adaptation au changement climatique : un plan national


Alors que près de 200 scientifiques spécialistes du climat sont réunis à Brest, depuis le 18 juillet dernier (relire article du blog du 12/07/2011), pour une réunion de travail préparatoire à la rédaction du prochain rapport du GIEC (*) - le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat - rapport attendu pour 2014-, la ministre de l’écologie a présenté le 20 juillet 2011, le plan français d’adaptation au changement climatique.

Ce plan, qui fera l’objet d’un suivi annuel et d’une évaluation finale fin 2015, afin de préparer la suite, a été dévoilé en présence de Jean Jouzel, vice-président du GIEC.

Rappelons d’emblée que les experts du GIEC, réunis à Brest, estiment en particulier qu’une hausse de +2°C est inéluctable d’ici la fin du siècle, quels que soient les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui pourront être déployés. Ces changements climatiques auront des conséquences très importantes sur la ressource en eau, la biodiversité, le niveau de la mer…. et affecteront de nombreux secteurs d’activités (agriculture, tourisme, infrastructures, urbanisme, santé…).

Pour la ministre de l’écologie la lutte contre les changements climatiques repose sur deux leviers :
- la réduction des émissions de gaz à effet de serre pour contenir le réchauffement.
- l’adaptation de la société à ce climat modifié : il s’agit de se préparer dès maintenant pour prévenir les risques humains, environnementaux, matériels, et financiers.


« Ce plan retient plus de 80 actions, déclinées en près de 230 mesures pour la période 2011-2015. Aux 171 millions € directement dédiés aux nouvelles mesures s’ajoutent 391 M€ au titre des Investissements d’Avenir qui participeront de près ou de loin à l’adaptation, notamment dans les domaines de la biodiversité, de la santé, ou de l’agriculture. Par ailleurs, plusieurs mesures déjà financées dans le cadre du plan sécheresse et du plan submersion rapide (500 M€ sur 2011-2016) participent également de son financement. »

Les axes du plan d’adaptation au changement climatique, dont la majorité des actions seront engagées en 2011 et 2012. Elles visent notamment à :

- Adapter la politique d’aménagement du territoire : élévation du niveau de la mer, déformation des rails sous l’effet de la chaleur, dégradation des routes due à des cycles de gel/dégel plus fréquents sont autant de risques à prendre en compte dès maintenant.
Pour s’assurer que les investissements publics (route, barrage…) prévus pour 50 ans ou plus restent toujours efficaces face aux nouveaux aléas climatiques, le plan prévoit de renforcer l’observation des côtes françaises, d’intégrer le risque de submersion dans les plans littoraux ou encore de revoir les normes techniques pour la construction des routes.

Nous rappellerons que s’agissant des effets de la montée du niveau des océans, les impacts du réchauffement climatique en Bretagne sont d’ores et déjà mesurables avec le phénomène bien décelable du «grignotage du littoral». Un rapport de synthèse de 2004 du Conservatoire du littoral en faisait déjà état : «Élévation du niveau moyen de la mer (...), tempêtes plus fortes et plus fréquentes (...), accélération de l'érosion des plages et des falaises (...), submersions temporaires ou permanentes sur les espaces côtiers bas (...), accentuation de la salinisation des eaux souterraines littorales.» 


Ainsi l’on sait que si le niveau marin est en hausse depuis 200 ans, cette hausse n'est pas uniforme. Et a priori, moindre en Bretagne (2 mm par an à Brest contre une moyenne de 3 mm). Mais cette hausse est plus rapide sur les derniers 100 ans. Avec l’augmentation prévisible à l'horizon 2100, du niveau de la mer de 30 à 60 cm, la menace est bien réelle notamment pour l'Ile de Sein.

Pour aller plus loin relire les articles du blog concernant la submersion marine :
- 2/03/2011 : Bretagne, 52 communes devront se doter d'un plan de prévention des risques de submersion marine
- 5/05/2010 : L'Etat revoit les mesures de protection du littoral dans le Finistère
- 4/12/2009 : La Bretagne face à la montée des eaux

Les autres piliers du plan :
- Economiser et optimiser l’utilisation de l’eau : 2 milliards de m3 par an est le déficit estimé à l’horizon 2050 pour satisfaire les besoins en considérant une stabilité de la demande. Le plan prévoit donc un ensemble de mesures pour économiser 20% d’eau prélevée en 2020, à travers l’action des Agences de l’eau, des programmes de détection et réduction des fuites dans le réseau et d’aide à la récupération des eaux de pluie ou des eaux usées.

- Développer les savoirs sur les maladies émergentes et renforcer les dispositifs de surveillance : le réchauffement du climat devrait accélérer dans les prochaines années l’apparition ou l’amplification de certaines pathologies (dont les allergies) ou vecteurs de maladies. Des études seront lancées en 2011 pour renforcer la surveillance des pollens mais aussi des insectes vecteurs et des microorganismes qui pourraient profiter du réchauffement climatique. Un groupe de veille santé-climat sera également créé au sein du Haut conseil de la santé publique (HSCP) chargé d’évaluer les données, d’alerter et de faire des recommandations aux pouvoirs publics.

- Diversifier les espèces et prévenir les incendies de forêts : l’assèchement du sol et la hausse des températures conduiront à terme à la disparition de certains végétaux, à la multiplication des feux de forêts et à leur extension vers de nouvelles zones jusqu’ici épargnées. Le plan prévoit donc d’adapter de nouvelles générations d’arbres à travers la diversification des ressources génétiques, d’identifier des espèces résistantes et d’aider financièrement les exploitants forestiers à engager cette mutation.

Pour mémoire :

Cette question du changement climatique, des impacts sur les océans et des énergies de la mer comme une réponse à la limitation des gaz à effet de serre a été l’axe central des entretiens Science et Ethique 2009 .




L’impact de ce réchauffement va bien au delà de la montée du niveau des mers. Comme le rappelait le Professeur Michel Ricard, président des entretiens, dans le cadre de l’émission Thalassa « Après nous le déluge » du 13 novembre 2009 : 

« Les ressources océaniques qui font l'objet d'une exploitation par l'Homme
sont nombreuses, qu'elles soient biologiques ou minérales. Quelles que soient ces ressources, elles sont menacées par la surexploitation : les gisements minéraux connus seront épuisés dans les prochaines décennies. Quant aux ressources biologiques, de graves menaces pèsent sur elles en raison de la méconnaissance réelle ou voulue du fonctionnement des écosystèmes marins (…)

 Outre ces menaces nombreuses et graves qui résultent de la surexploitation, il faut considérer les conséquences de l'augmentation des gaz à effet de serre qui provoquent à la fois un réchauffement des eaux océaniques et une augmentation de l'acidité de ces eaux.

Le réchauffement des eaux va avoir deux conséquences : d'une part, une baisse de la production végétale et animale des eaux de surface et, d'autre part, une migration des espèces vers des eaux plus froides et l'apparition de nouvelles espèces, ainsi qu'une perturbation des périodes de production. Ces deux phénomènes se conjugueront pour causer un appauvrissement marqué des ressources océaniques avec une aggravation du contexte socio-économique. L'augmentation de l'acidité des eaux, causée par une augmentation de la quantité de CO2 atmosphérique capté par les océans, provoque des perturbations de la fixation du calcaire dissous dans les océans par les organismes comme le plancton, les mollusques (huîtres, moules,…), les algues calcaires (présentes dans les eaux tempérées) et les coraux.

Ce phénomène entraînera également un appauvrissement des ressources océaniques exploitées par l'Homme et, au delà, aura des conséquences sur l'environnement dont la portée ne peut pas encore être évaluée ».


Relire également l'article du blog du 7/12/2019 : "Pouvoirs et démocratie en Bretagne à l'épreuve du changement climatique à l'horizon 2030", sur le rapport du CESER Bretagne.





Prenez date :
les 17 et 18 novembre 2011, participez aux entretiens « Science et Ethique » à Brest - Océanopolis
sur le thème : Quelle économie et quelle croissance ? la bleue ? « plans climat-énergie territoriaux, énergies de la mer, métiers ».


(*) Le GIEC est l’organe international de référence sur le changement climatique. Son rapport est le document qui, tous les six ou sept ans depuis 1988, fait le point sur les connaissances et les impacts avérés ou envisageables de l’élévation de la température globale. Le quatrième et dernier rapport date de 2007. Le rapport du groupe scientifique est attendu pour 2013, soit un an avant la publication du rapport de synthèse final.. La rédaction de ce rapport doit durer plus de deux ans. Brest accueillant la deuxième réunion de rédaction, après une première en Chine à l’automne dernier et une prochaine programmée au printemps 2012 au Maroc.

"Le rapport du groupe scientifique est publié un peu en avance de façon à ce que les scientifiques qui étudient les impacts du changement climatique et les aspects socio-économiques puissent s’appuyer sur ce qui est dans ce rapport", a indiqué Jean Jouzel membre du bureau du Giec. Pour le cinquième rapport dans son ensemble, 831 auteurs ont été retenus du monde entier, dont "60% de nouveaux auteurs", a souligné Rajendra Pachauri, président du Giec avec notamment "plus d’auteurs des pays en développement et plus de l’ex-Union soviétique".


Article RH 3B Conseils
Sources : GIEC / Ministère de l'Ecologie
Foto : Christine Naud