mercredi 26 mars 2008

La difficile traque des navires pollueurs en Méditérranée

MARSEILLE (AFP) - 26/03/2008 - Près de 200 pollutions dues à des rejets de substances nocives ou d'hydrocarbures sont enregistrées chaque année en Méditerranée au large des côtes françaises mais la traque des navires pollueurs reste ardue et peu d'armateurs finissent devant la justice. Car le défi est de taille dans cette mer fermée où transite plus de 20% du trafic pétrolier mondial.
" Nous enregistrons environ 200 constatations de rejets par an mais la plupart sont des pollutions dites orphelines, dont on ne connaît pas l'auteur. En 2007, il n'y a eu que deux flagrants délits ", a déclaré à l'AFP le directeur du Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage en Méditerranée, Daniel Dejardin. Parmi les deux cargos pris "la main dans le sac", le cas du vraquier italien Praïano est jugé mercredi par le tribunal correctionnel de Marseille. Capitaine et armateur italiens sont accusés d'avoir rejeté de l'huile d'olive au large du Lavandou (Var), occasionnant une nappe de pollution de 17 km de long et 50 m de large. Ils encourent une peine maximale de 7 ans d'emprisonnement et 700.000 euros d'amende. " Les rejets d'huile d'olive sont nocifs pour l'environnement, notamment pour le plancton, et sont interdits dans les eaux territoriales ", a rappelé le parquet de Marseille.
Aujourd'hui Mercredi, le tribunal de Marseille juge aussi le capitaine italien et l'armateur libérien d'un vraquier battant pavillon portugais, le Wintrader, accusés du rejet d'hydrocarbures au large de Toulon, le 21 mai 2003. Ils encourent la peine maximale prévue par la loi française: 1 M EUR d'amende et 10 ans de prison. Car, depuis plusieurs années, après les catastrophes pétrolières de l'Erika ou du Prestige en Atlantique, la France a durci son arsenal juridique. Outre le relèvement des sanctions, les navires qui dégazent, une opération qui consiste à rejeter les résidus de carburant issus de la combustion des moteurs, peuvent être déroutés et immobilisés dans les ports. L'armateur doit payer une caution s'il veut repartir. Pour les sociétés étrangères, cela évite une disparition au moment du procès et de la sanction. Le 21 novembre 2007, l'armateur turc ATS Denizcilik ve Nakliyat Ticaret a ainsi été condamné à une amende de 750.000 euros pour un dégazage au large de la Corse. Une somme prélevée sur la caution d'un million d'euros qu'il avait dû verser lors de l'immobilisation de son cargo. Depuis 2004, 12 condamnations ont été prononcées à Marseille pour un total de 4 M EUR d'amende et 10 navires ont été immobilisés. Mais pour sanctionner, il faut prendre en flagrant délit dans les eaux territoriales ou dans la zone de protection écologique, plus étendue. La France dispose d'un avion spécialisé des douanes (Polmar) équipé de radars d'une portée latérale de 30 à 40 km. En 3 heures de vol, 50.000 km2 sont surveillés. Mais cet avion ne peut pas prendre de photo la nuit, un élément de preuve crucial pour identifier le navire fautif. Beaucoup de cargos profitent de cette faiblesse. " Nous travaillons activement à résoudre ce problème ", explique Christian Cosse, expert en pollution maritime des douanes. La principale motivation des dégazages est économique. " Les armateurs ne veulent pas payer un jour d'escale en plus pour se servir des stations de séparation des hydrocarbures ", explique M. Dejardin. Si les amendes s'alourdissent et se multiplient, les assurances pourraient toutefois cesser de couvrir... et inciter les armateurs à changer de pratiques.