jeudi 18 novembre 2010

Sauvegarde du thon rouge : 10 jours pour décider


La Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique tient depuis hier sa 17e réunion extraordinaire à Paris : une rencontre importante de 10 jours ( 17 au 27 novembre) pour déterminer la politique à suivre et prendre les décisions réglementaires et techniques pour la pêche au thon.

C’est la première fois que la France accueille la réunion extraordinaire de l’ICCAT - regroupant les 48 parties contractantes -. Près de 500 conférenciers vont siéger pour déterminer les quotas de pêche, notamment sur le thon rouge, (dont les stocks ont chuté de 85% en 30 ans. ) mais aussi les manières d’exercer les contrôles, les plans de gestion pour des espèces comme l’espadon, le requin….

Cette conférence intervient après la conférence de la Cites (Convention de l’Onu sur le commerce international des espèces sauvages menacées d’extinction) tenue en mars dernier, et la question des réserves de cette espèce menacée est de nouveau sur le devant de la scène.

François Gauthiez, le directeur adjoint des Aires marines protégées - qui était intervenu aux entretiens Science et Ethique 2010 (voir son intervention ICI) a été nommé par Philippe Mauguin, directeur des pêches maritimes et de l’aquaculture, ministère de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche responsable d’un groupe de travail sur le thon.

Le stock Est-Atlantique de thon rouge (Thunnus Thynnus) qui était au bord de l’extinction a semble-t-il retrouvé une stabilité des stocks qui permettrait d’exploiter l’espèce en prenant toutes les précautions nécessaires et en respectant les quotas.

L’Union internationale pour la conservation de la nature - l'UICN(*)- l’a classée pourtant en danger critique.

On distingue trois espèces dites de thon rouge, dont une seule est menacée :
- Thunnus thynnus : le thon rouge de l'Atlantique, qui contient deux stocks, un stock Ouest et un stock Est. La proposition de classement, qui émane de Monaco, vise uniquement ce dernier (Atlantique Nord et centre, et Méditerranée), le stock de l'Ouest étant déjà pour ainsi dire effondré.
- Thunnus orientalis : le thon rouge de l'ouest du Pacifique est aussi surpêché mais le stock va un peu mieux. Il est engraissé en Australie.
- Thunnus maccoyii : le thon rouge du Sud. Il est présent dans tous les océans de l'hémisphère Sud, mais surtout dans l'océan Indien.



Les 27 Etats de l’Union européenne, divisés sur la question , se seraient mis d'accord pour un mandat de négociation à la Commissaire européenne Maria Damanaki en charge de la pêche laquelle propose de suivre strictement l'avis des scientifiques pour parvenir d'ici 2022 à un niveau de rendement maximal durable pour les stocks de thon rouge, "avec une probabilité située entre 60% et 77%".

Lors de la précédente réunion extraordinaire de l’ICCAT en 2009 au Brésil, les parties contractantes avaient demandé en effet aux scientifiques de faire une évaluation des quotas permettant d’atteindre le rendement maximum durable du stock de thon rouge en 2022. Le comité scientifique de l’ICCAT a évalué que pour atteindre en 2022 un rendement maximum durable du stock de thon rouge, il fallait fixer un quota pour 2011 identique à celui de 2010 avec 13 500 tonnes (un quota à 6000 tonnes en 2011 permettrait selon les experts d’atteindre le même résultat en 2020).

A la veille de la réunion, le Comité national français des pêches a appelé au maintien des quotas à 13.500 tonnes, dont 2.022 tonnes pour la France, estimant que «descendre en dessous de ces quotas mettrait en péril la pêche française, en détruisant des entreprises et des emplois».


S’agissant des techniques de pêche à la senne, apparues à la fin des années 1980, Isabelle Autissier, présidente du WWF France, indiquait qu’elle s’est développée, "avec l’aide du contribuable européen", lors d’un séminaire co-organisé le 16 novembre à Paris par le Pew Environnement Group (3è Think Tank US et financeur de Greenpeace), et l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI). Pour Rémi Parmentier, conseiller de Pew Environnement, "l’empreinte écologique de l’Union européenne sur la biodiversité marine est comparable, par sa magnitude, à l’empreinte écologique des Etats-Unis sur le climat".

Pour ce qui est de la flotte française, elle a été réduite à 17 thoniers senneurs (dont les filets coulissants peuvent capturer jusqu’à 200 tonnes de poisson en une prise), tandis que la pêche artisanale agonise.

Les écologistes et défenseurs de l’environnement veulent que ces quotas soient réduits considérablement, voire même fassent l’objet d’un moratoire pur et simple sur la pêche du thon rouge et sa commercialisation.

Selon les écologistes la sur-pêche du thon rouge est principalement liée au marché japonais, qui "engloutit 80% du thon rouge pêché en Europe" et pour les ONG de défense de l'environnement, la pêche illégale bat en effet son plein et le système de surveillance n'est pas au point.
“Globalement aujourd’hui il y a encore un vrai problème et de dépassement de quota, et de pêche illégale et de surcapacité. Il y a trop de bateaux pour trop peu de poissons. Il y a eu une baisse des quotas qui est importante depuis plusieurs années mais ce n’est pas encore assez et ça nous semble important d’aller au-delà”, explique François Chartier de Greenpeace.


Relire également le débat (ICI) sur Rue89 le 10/02/2010, entre Alain Fonteneau (I.R.D.). et François Chartier (Greenpeace).

(*) L' Union Internationale pour la Conservation de la Nature et des ses ressources (UICN)Fondée en 1948, rassemble 81 États, 113 organismes publics, plus de 850 organisations non gouvernementales et quelque 10 000 scientifiques et experts de 181 pays au sein d'une alliance mondiale unique.


Article : BB avec Régis Hébert

Sources : AFP, Le Monde, Pew Environment Group, Rue 89, Ministère de l’agriculture, de la Pêche, IFREMER, IRD, 3B Conseils.