La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni d’accord pour 30% de réduction des émissions de carbone !
L’Europe travaille à la mise en œuvre de son paquet Climat Energie (adopté fin 2008 sous Présidence française de l’UE). De nombreuses personnalités pensent nécessaire de maintenir et d’augmenter le niveau d’ambition des pays développés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. De nouvelles stratégies pour les énergies renouvelables se mettent en place. La tribune publiée hier dans les journaux : Le Monde, le Frankfurter Allgemeine Zeitung et le Financial Times par Jean-Louis Borloo, Chris HUHNE et Norbert RÖTTGEN démontre peut-être que ses rencontres et la visite du 8 juillet à Paris de la Commissaire au Climat Connie Hedegaard portent ses fruits lorsqu’elle déclare « Taxez ce que vous brûlez, pas ce que vous gagnez ». (cf annonce sur le site du MEEDDM).
« Les efforts actuellement déployés par l’Europe pour sortir de la récession ne doivent pas nous faire oublier la question urgente du modèle économique que nous désirons construire.
Si nous ne faisons pas en sorte que la reprise économique mette nos pays sur la voie d’un modèle durable à faibles émissions de carbone, l’incertitude demeurera et nous devrons faire face aux coûts significatifs engendrés par la volatilité des prix de l’énergie et par un climat de plus en plus instable.
Pourtant, une formidable occasion s’offre à nous : celle du renforcement de notre propre reprise économique, de l’amélioration de notre sécurité énergétique et de la lutte contre le changement climatique par le développement des secteurs énergétiques à faibles émissions de carbone et de l’exploitation de nouvelles sources d’emplois et d’exportations.
Mais l’Europe n’est pas seule. Une course mondiale vers une économie durable à faibles émissions de carbone a commencé. Les concurrents économiques de l’Europe ne sont pas en reste.
La principale question à laquelle l’Europe est confrontée est de savoir si elle sera capable de saisir cette occasion, en conduisant le monde dans ses efforts de création de ce nouveau modèle à faibles émissions de carbone, en vue de renouer avec la croissance économique.
Nous sommes convaincus qu’elle en est capable ; les incitations susceptibles de provoquer les changements requis en matière de modèles d’investissement ne sont cependant pas en place.
L’objectif actuel de l’Union européenne (UE) visant à une réduction des émissions de carbone de 20 % d’ici à 2020 par rapport à 1990 constitue un obstacle essentiel ; c’est un objectif qui semble en effet désormais insuffisant pour effectuer une transition vers un modèle faiblement consommateur de carbone.
Après tout, la récession elle-même a entraîné une réduction des niveaux d’émissions du secteur marchand de l’UE de 11 % par rapport à la période d’avant la crise.
Du fait en partie de cette diminution, le cours actuel du carbone est largement trop bas pour entraîner des investissements significatifs dans des emplois et des technologies verts.
Si nous nous en tenons à ce taux de 20 %, l’Europe est susceptible de perdre cette course vers un modèle à faibles émissions de carbone face à des pays tels que la Chine, le Japon ou les États-Unis. Ceux-ci s’efforcent en effet de créer un environnement plus attractif pour les investissements en adoptant des politiques de promotion des modèles à faibles émissions de carbone, et en canalisant les ressources de leurs plans de relance vers des investissements dans des activités à faibles émissions de carbone.
C’est pourquoi nous sommes aujourd’hui convaincus de la nécessité, pour l’UE, d’adopter un objectif de réduction des émissions de carbone de nature à véritablement inciter à l’innovation et à l’action dans le contexte international : une réduction de 30 % d’ici à 2020. Cela représenterait une véritable tentative de limitation de l’augmentation de la température mondiale à deux degrés – soit le seuil critique au-delà duquel le danger climatique sera important –, en renforçant la détermination de ceux qui préconisent déjà une action ambitieuse et en encourageant davantage les pays attentistes. Cela constituerait également un choix économique judicieux.
En adoptant un objectif plus ambitieux, non seulement l’UE influerait directement sur l’évolution des cours du carbone d’ici à 2020, mais elle enverrait également un signal fort quant à sa détermination à mettre en place un cadre politique propice à l’émergence, sur le long terme, d’un modèle à faibles émissions de carbone. Nous ne devons pas perdre de vue que ce sera le secteur privé qui fournira la très grande majorité des investissements requis pour la construction de ce modèle ; le passage à un objectif de réduction de 30 % permettrait une certitude et une prévisibilité accrues pour les investisseurs.
Les entreprises européennes sont déjà en position de tirer profit de ces nouvelles occasions. Leur part de marché internationale actuelle s’élève à 22 % du secteur des biens et des services faiblement consommateurs de carbone, grâce au rôle de leader joué dès le début par l’Europe en matière de lutte contre le changement climatique. Mais le reste du monde rattrape son retard. Les engagements de Copenhague, bien que moins ambitieux qu’escomptés, ont entraîné un effort généralisé, en particulier en Chine, en Inde et au Japon.
Il apparaît d’autant plus opportun de mener des actions précoces que cela permettrait de réduire les coûts, d’après les estimations. En raison de la baisse des émissions due à la récession, le coût annuel de la réalisation de l’objectif de réduction de 20 % d’ici à 2020 a baissé d’un tiers, passant de 70 à 48 milliards d’euros.
Le coût d’un passage à 30 % est désormais estimé à 11 milliards d’euros de plus que le passage originel à un objectif à 20 % de réduction, soit un surcoût de moins de 0,1 % de la valeur de l’économie de l’UE. De plus, un report de l’engagement de l’Europe comporterait un coût élevé : d’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE), le coût de chaque année de retard de l’investissement dans les sources d’énergie à faible émission serait compris entre 300 et 400 milliards d’euros au niveau mondial.
Ces coûts ont en outre été calculés sur la base d’une hypothèse prudente d’un baril de pétrole à 88 dollars US en 2020. Or, étant donné les contraintes qui pèsent actuellement sur les investissements axés sur l’offre, la croissance rapide de la consommation en Asie et les retombées de la marée noire au Golfe du Mexique, les cours du pétrole pourraient continuer d’augmenter ; selon un des scénarios de la AIE, celui-ci pourrait atteindre le montant nominal de 130 dollars US le baril. L’augmentation des prix du pétrole entraînerait une diminution du coût de la réalisation de l’objectif de réduction des émissions de carbone quel qu’il soit, et, selon certains scénarios, les retombées économiques directes de la réalisation de l’objectif de 30 % s’avéreraient, au bout du compte, positives. Les entreprises et les ménages économiseraient davantage, grâce à une diminution de leur consommation d’énergie - et, par voie de conséquence, des importations-, et cet objectif n’entraînerait pas de coûts supplémentaires pour l’économie.
Certains secteurs à forte consommation d’énergie devront affronter des coûts plus élevés que la moyenne. Nous essayons déjà de les protéger par l’allocation gratuite de quotas d’émissions quand utile, et des mesures alternatives pourraient s’avérer nécessaires, à terme, pour empêcher les fuites de carbone. La véritable menace à laquelle ces secteurs sont confrontés n’est cependant pas celle des prix du carbone mais celle de l’effondrement de la demande sur les marchés européens du bâtiment et des travaux public. Le moyen le plus sûr d’augmenter la demande des matériels induite par ces secteurs est de mettre en place des incitations à l’investissement dans des infrastructures à grande échelle et à faibles émissions de carbone -utilisateurs voraces d’acier, de ciment, d’aluminium et de produits chimiques-. Nos départements ministériels chargés de l’industrie travaillent avec ces secteurs afin de s’assurer qu’ils gèrent cette transition avec efficacité, et nous nous efforçons de maximiser les chances de l’industrie de l’UE.
Nous devons donner à nos entreprises la possibilité de se développer sur le plan national tout en continuant d’affronter la concurrence internationale. Le passage aux 30 % entraînerait au moins un doublement des marchés à faibles émissions de carbone par rapport au maintien de l’objectif actuel de 20 %. L’essentiel du surplus de croissance concernerait les secteurs porteurs tels que celui des activités relatives aux économies d’énergie.
Esquiver la discussion sur les 30 % nous conduirait à un ralentissement dans notre course à la réduction des émissions de carbone. Nos entreprises gagneraient une précieuse avance si nous prenions rapidement les mesures nécessaires. C’est pourquoi nous croyons que le passage à l’objectif d’un taux de 30 % de réduction des émissions est le bon choix pour l’Europe. C’est une politique favorable à l’emploi, à la croissance, au renforcement de la sécurité énergétique et à la lutte contre le risque climatique. C’est avant tout une politique pour l’avenir de l’Europe ».
• Jean-Louis BORLOO, ministre d’État, ministre de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer, en charge des Technologies Vertes et des Négociations sur le Climat
• Norbert RÖTTGEN, ministre fédéral de l’Environnement, de la Protection de la Nature et de la sécurité nucléaire d’Allemagne (parue dans « Frankfurter Allgemeine Zeitung »)
• Chris HUHNE, ministre britannique l’Environnement (parue dans « Financial Time »)
Retrouver également l'interview de Connie Hedegaard par Brigitte Bornemann lors du SIREME en 2007
sources : FT/ Le Monde/ Frankfurter Allgemeine Zeitung/ Libération/ Reuters / 3B Conseils
photo : www.kemin.dk
pour mémoire article de Reuters sur les emplois verts en Europe paru sur Reuters le 16 juin 2010