jeudi 23 juillet 2009

La « taxe carbone »: les recommandations de Michel Rocard et de la conférence des experts.


Invité sur France Inter, Michel Rocard, ambassadeur des pôles, qui présidait la conférence des experts sur la Contribution Climat Energie (CCE), ou "taxe carbone", a tracé les grandes lignes des recommandations établies à partir du consensus dégagé le 9 juillet dernier par une quinzaine de personnalités (élus, économistes, scientifiques), composant le collège des experts.

Les mesures qui seront présentées dans le rapport qui sera remis aux ministres de l'Economie Christine Lagarde et du Développement durable Jean-Louis Borloo, ce vendredi 24 juillet devraient, selon l’ancien Premier Ministre, pouvoir s'appliquer dès l'année 2010. "On va taxer un certain nombre de comportements, principalement celui qui consiste à utiliser des énergies d'origine fossile" responsables d’émissions de "gaz à effet de serre qui va transformer la planète en poêle à frire et rendre la poursuite de la vie impossible sur la planète", a déclaré Michel Rocard sur France Inter (visionner l’entretien)

Par ailleurs, selon le quotidien Les Echos , qui publie des extraits d'une version provisoire du rapport, cette taxation concernerait les seules énergies fossiles (gaz, charbon, pétrole). Or, dans une déclaration reprise par l’AFP, Michel Rocard a déclaré a contrario que l'électricité doit être également couverte par la Contribution Climat Energie, au même titre que les usages de pétrole, du gaz ou du charbon.

"La table ronde n'est pas arrivée à un accord sur l'électricité et je vais prendre, moi, la responsabilité de dire qu'il vaut probablement mieux étendre" la CCE à ce secteur, a déclaré l'ancien Premier ministre. "La sagesse veut que la CCE permette de dissuader la consommation d'énergie excessive en général", a-t-il insisté. "Mais la vérité, c'est que les études ne sont pas encore suffisantes. Il faut continuer le débat et l'approfondir sur les effets induits, du fait de faire ou ne pas faire".

L'argument contre est que les producteurs d'électricité sont déjà soumis au système européen des quotas pour leur production d'origine fossile, ce qui exclut l'électricité d'origine nucléaire ou hydraulique, non émettrice de gaz à effet de serre. "Mais quand une lampe est allumée, vous ne savez pas si le courant qui vous arrive est principalement de source nucléaire, hydraulique ou charbonnière", poursuit Michel Rocard qui note que pour faire face aux périodes de pointe, par exemple en fin de journée, ce sont les installations au charbon qui sont généralement sollicitées.

"Si on sort de tout ça (la CCE) avec une incitation à se tourner vers l'électricité plutôt que vers le gaz, par exemple pour le chauffage, on va à contre-emploi parce qu'on aggrave le phénomène de pointe et donc on aggravera la consommation d'énergie fossile. Il faut se débarrasser de cet effet-là".

«Pour des raisons d'acceptabilité», la tonne de CO2 émise serait facturée au prix de 32 euros en 2010 pour atteindre le niveau de 100 euros en 2030. Cela rapporterait près de 8,3 milliards d'euros l'an prochain, dont 4,3 milliards à la charge des ménages.

Certes, une redistribution doit être envisagée « pour les ménages les plus modestes ou les secteurs les plus touchés ». La facture dépassera en effet 300 euros par an pour certains ménages (chauffage au fioul, trajet domicile travail en voiture). Mais la compensation ne devra être que « partielle » et « aussi forfaitaire que possible » (non liée à la consommation) pour ne pas affaiblir le signal prix. Elle devra également « si possible » être « transitoire ». « On pourrait essayer de tenir compte de la situation géographique (rural) ou énergétique (types de chauffage) », indique simplement le rapport, sans trancher sur la forme entre « chèque vert », « aides ciblées » ou « aides fiscales à la transition énergétique ».

Appliqué aux carburants, cela reviendrait à 7,7 centimes supplémentaires par litre de sans-plomb et à 8,5 centimes par litre de gazole. Un prix de départ inférieur n'est pas raisonnable si la France veut respecter son objectif de diviser par quatre son émission de CO2 à l'horizon 2050, défend Michel Rocard. « Pour marquer la visibilité du projet », la loi de Finances établissant la taxe carbone devra aussi « annoncer son taux pour les cinq prochaines années ».

Si le gouvernement souhaite intégrer cette réforme au projet de loi de Finances pour 2010, il ne lui reste que quelques semaines pour prendre les décisions en ce sens et rendre les arbitrages budgétaires.

Pour information complémentaire, consulter le rapport du conseil d’analyse stratégique sur la valeur tutélaire du carbone, présidé par Alain Quinet, paru en juin 2008 – ICI

Sources : France Inter / AFP / Les Echos / Photo Service de presse de l’Elysée / RH – 3B Conseils